"liberté, égalité, fraternité". Se sont les premiers mots que j'ai su lire. Avec "école primaire laïque". Et comme pour toutes les nouvelles choses que l'on apprend, chaque fois que je passais devant ces inscriptions, je les lisaient. "liberté, égalité, fraternité"."Ecole primaire laïque". Le matin en arrivant. Le midi en allant manger, et en en revenant. Le soir en partant."liberté, égalité, fraternité"."École primaire laïque". C'est là que me vinrent mes premières réflexions politiques : "maman, ça veut dire quoi 'laïque'". Et mes premières réflexions sur la fraternité. Des trois mots, c'est celui qui m'interpelait le plus. La liberté me semblait aller de soi. Dans mon univers d'enfant, limité à la cellule familiale, je me sentait libre. Quand à l'égalité, j'avais déjà compris qu'elle ne s'appliquait pas à l'argent et je faisait avec. Mais la fraternité me semblait beaucoup plus compliquée. Certes, il y avait les copains, avec qui on s'entendait bien et avec qui la fraternité pouvait être possible. Mais il y avait aussi tous les autre. Ceux qu'on ne connait pas, ceux que l'on connait mais qu'on n'aime pas. Ceux avec qui on se battait, bande contre bande. Dans ce contexte, comment la fraternité pouvait elle être une réalité? Pourtant elle le devait. Elle faisait parti de la devise de notre république, la république qui faisait les lois. Donc ça devait être une loi. Ou plutôt une injonction. Un souhait pour notre avenir. Un souhait partagé, puisque partagé par notre république, cette structure voulue par la démocratie, donc par le peuple, donc par nous tous. Pendant de longues années, ce mot a occupé mes réflexions, parfois les discutions avec mes amis. Cherchant à comprendre comment ce mot pouvait être une réalité. Je me suis un temps intéressé à la religion, qui semblaient avoir trouvés une façon de vivre la fraternité. Mais j'ai vite compris que pour l'église ce n'était que rhétorique et que cela ne s'appliquait pas à toute l'humanité. La biologie que je commençais à découvrir m'a alors apporté un certain nombre de réponses avec les notions d'espèces et de survie. Car point de salut sans la fraternité. Une espèce qui se dévore entre elle est vouée à disparaitre. Pourtant je me trouvait encore et encore confronté à l'obstination humaine : "on ne peut pas aimer tout le monde" m'entendait-je souvent répondre quand j'évoquai l'idée que tous les Hommes devaient se considérer comme des frères. Pendant plus de trente ans, j'ai eu cette idée en tête, ce sentiment d'avoir raison et d'être le seul à le comprendre. Puis j'ai rencontré la Franc-Maçonnerie. J'ai rencontré des frères puis des sœurs qui partageaient la même vision de la fraternité que moi, pour qui la fraternité n'est pas qu'un mot mais une réalité quotidienne, une notion qui compte dans leurs relations avec les autres. Alors j'ai été initié. Et à la fin de la cérémonie, nous nous sommes acclamé ensemble : "liberté, égalité, fraternité".